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Le surréalisme à la belge au sein de Bpost

Les pouvoirs publics ont pour tâche également de réguler les entreprises. Pour certains, de manière limitée et lorsque c’est indispensable pour protéger les règles du jeu qui sont à respecter pour garantir un marché libre et équitable. La liberté de l’un s’arrête où celle de l’autre débute. Pour d’autres, il faut aller plus loin et s’immiscer à tous les niveaux économiques. Nos gouvernements actuels (au fédérer et dans les régions, selon leur composition actuelle) ont l’ambition de soutenir la croissance économique et de favoriser le climat pour les entreprises.

Dans ce contexte, Bpost a été une peinture surréaliste illustrant à quel point il est difficile de combiner le monde de la politique et des entreprises. L’Etat belge a dangereusement taclé les autres actionnaires de Bpost, ses administrateurs et son management. C’est la carte rouge. Même pas besoin d’un arbitrage vidéo.

Bpost est une société cotée. La communication est une composante essentielle de la confiance des investisseurs tout comme une bonne gouvernance. L’Etat belge détient aujourd’hui environ 51% du capital et dispose du droit statutaire de proposer 6 candidats administrateurs, alors que les 6 autres postes d’administrateurs sont attribués à des personnes totalement indépendantes. On peut poser la question si ce système de représentation est légitime, dans la mesure où il permet à l’actionnaire de référence d’avoir une influence dominante sur l’entreprise. J’ai tendance à être favorable à permettre à un actionnaire important et concerné à pouvoir être représenté au conseil d’administration. Qui peut mieux que le propriétaire avoir le dernier mot lorsque des décisions stratégiques doivent être prises, sauf lorsqu’il existerait des questions de conflits d’intérêts ou qu’il n’y aurait pas suffisamment de contre-pouvoir via la présence d’administrateurs indépendants. Dans la crise bancaire, on peut constater que les actionnaires minoritaires des banques qui avaient des actionnaires de référence fort présents (pensons à KBC Banque) ont un sort bien plus favorable aujourd’hui que ceux qui étaient actionnaire d’une banque avec un actionnariat fort dispersé (pensons à Fortis).

Bpost est une entreprise qui fonctionne dans un contexte très particulier. C’est une société privée mais qui prend en charge également des missions d’intérêt public. Dans ce contexte elle se retrouve également régulée et contrôlée par les pouvoirs publics. Il peut donc y avoir des tensions entre l’intérêt général de l’Etat qui doit garantir la libéralisation du marché, la protection du consommateur, et l’intérêt de l’Etat-actionnaire qui doit maximiser la création de valeur pour l’actionnaire.

Bpost fait face à des enjeux stratégiques. Ses marchés sont depuis des années en profonde transformation et le rythme de cette transformation s’accélère. Dans un tel contexte, il est crucial pour le management de Bpost de pouvoir définir le bon cap mais aussi de pouvoir compter sur un conseil d’administration efficace, compétent et prêt à agir et à décider sans retard.

 

Et alors ils n’étaient plus que neuf…

Le 6 avril 2018, Bpost invite ses actionnaires pour son assemblée générale annuelle (AGO) qui aura lieu le 9 mai. Au grand étonnement des autres actionnaires, qui détiennent quand même près de 49% du capital, la convocation précise que l’Etat belge n’a pas encore proposé ses trois candidats pour les 3 postes d’administrateurs qui viennent à échéance. Je ne peux pas m’empêcher de préciser que ces 3 mandats étaient déjà à échéance depuis janvier 2018, mais avaient été prolongés jusqu’à l’AGO pour donner un peu plus de temps à l’Etat belge.

Bpost a tenté de rassurer ses actionnaires en précisant que les noms des candidats seraient rendus publics avant l’assemblée. En tout état de cause, ce serait trop tard pour les actionnaires institutionnels qui déterminent leur vote à l’avance et votent à distance. Comment voter « oui » pour un poste alors qu’on ne sait pas qui est le candidat ? Le droit de présenter des candidats implique également l’obligation d’expliquer pour quelles raisons l’Etat belge estime que cette femme ou cet homme est le bon candidat pour soutenir Bpost dans cette période importante.

 

Finalement, le 9 mai, le point à l’agenda a été reporté. Manifestement les décideurs pour l’Etat belge n’ont depuis janvier 2018 toujours pas réussi à se mettre d’accord sur les candidats à proposer. Sans doute un énième marchandage politique sur des postes à pourvoir ?

Et alors ils n’étaient donc plus qu’à neuf… Six administrateurs indépendants et trois administrateurs désignés à l’époque par l’Etat belge.

Je souhaite beaucoup de courage et de fermeté aux administrateurs qui restent en fonction, le président du conseil d’administration François Cornelis n’oubliera sans doute pas vite le tacle de son actionnaire public qui met son équipe en péril.

 

Cet article a été publié par De Tijd, L’Echo et La Libre Belgique.

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