Le « crowdfunding » a le vent en poupe. L’année passée, le gouvernement fédéral a défini des conditions fiscales favorables pour encourager le développement du secteur. L’an passé également, KBC Bolero a lancé sa propre plateforme de crowdfunding tandis que BNP Paribas Fortis sponsorisait les campagnes de crowdfunding de MyMicroInvest. C’est dire l’engouement que suscite ce secteur, en ce compris auprès des plus grands acteurs bancaires belges. En tant que moyen alternatif de financement, le « financement participatif » rapproche les acteurs économiques et bénéficie d’une image plus éthique.
Le crowdfunding épouse en réalité trois formes : le crowdfunding désintéressé (basé sur des donations), le « crowdlending » (aussi appelé prêt participatif) et l’ « equity-based » crowdfunding, c’est-à-dire le crowdfunding en action. Cette dernière forme de crowdfunding est sans doute la plus glamour des trois. Pour de faibles montants, vous devenez un véritable Business Angel et financez le développement de petites entreprises, parfois innovantes, souvent risquées. En tant qu’actionnaire, vous partagez réellement la vie de l’entreprise et liez le rendement de votre investissement au futur de l’entreprise. Deux acteurs tiennent le haut du pavé dans le secteur : MyMicroInvest et KBC Bolero.
L’ « equity-based » crowdfunding présente de nombreux avantages pour l’investisseur, parmi lesquelles l’accès à une nouvelle classe d’actifs jusqu’alors uniquement réservée aux professionnels, ce qui permet de réduire le risque systémique de son portefeuille d’investissement. L’investisseur aura par ailleurs la possibilité de choisir les entreprises dans lesquelles il désire investir et de pouvoir rencontrer le management lors d’évènements de crowdfunding.
Dans ce ciel ensoleillé, Deminor, en tant que cabinet de défense des actionnaires minoritaires, voit cependant poindre quelques nuages. Notons tout d’abord le risque d’investir dans des produits démesurément risqués. Il est vrai que le nombre de dossiers examinés par les plateformes de crowdfunding est considérable et qu’elles ne peuvent établir une due diligence exhaustive de l’ensemble des entreprises qu’elles proposent. Il est également à noter qu’aucun analyste financier ne suivra le développement futur de l’entreprise car cette dernière est privée.
Ensuite, il est possible que vos droits d’actionnaires minoritaires ne soient pas garantis. C’est le cas lorsque vous n’investissez pas directement dans l’entreprise mais au travers d’un véhicule dédié. A titre d’exemple, si vous investissez via la plateforme MyMicroInvest, vous ne deviendrez pas actionnaire de la société, mais bien d’un fonds ayant une participation dans la société sous-jacente. Ainsi, si vous n’êtes pas d’accord avec la stratégie menée par l’entreprise, vous ne pourrez pas vous rendre à l’assemblée générale pour faire entendre votre voix car vous ne serez actionnaire que du véhicule. Il en est de même pour les conditions de sortie de votre investissement. C’est le véhicule qui négociera les conditions de sortie et le timing, ainsi que les clauses du pacte d’actionnaires.
Ceci fait écho à la récente affaire « NewsMonkey ». MyMicroInvest avait permis à cette entreprise de récolter un financement participatif totalisant € 300.000 en procédant à une augmentation de capital. Cependant, à la suite de l’application des clauses du pacte d’actionnaires, le véhicule a été forcé de revendre ses parts NewsMonkey à l’actionnaire majoritaire, résultant en une moins-value pour l’ensemble des crowdfunders, alors que la valeur des parts avait augmenté depuis lors.
Enfin, il convient de souligner l’illiquidité de la participation. Les crowdfunders n’auront que peu de possibilités de revendre leurs parts et, comme illustré dans l’exemple cité plus haut, parfois ils seront forcés d’accepter une transaction, à des conditions qui leurs seront dictées. En outre, il ne faut pas oublier le lien étroit entre la taille de la participation et la décote d’illiquidité : en général, plus petite sera la participation, plus grande sera la décote appliquée.
Pour conclure, le crowdfunding est un moyen de financement intéressant, innovant et qui peut être très rentable. Il a certes de beaux jours devant lui, mais cette image alternative attrayante ne doit pas faire oublier les risques réels qui existent pour les actionnaires minoritaires. Espérons que le développement du secteur s’accompagnera d’une amélioration des droits des minoritaires. C’est notre cheval de bataille depuis 25 ans et ça le restera.