Fin août, le Ministre des Finances annonçait un plan pour réduire l’impôt des sociétés de 33,99% à 20%.
Ce plan est loin d’être mis en œuvre, car il faudra le financer. Le financement de l’impact budgétaire se ferait par la suppression des intérêts notionnels ou encore la hausse du précompte mobilier. Quel impact pourrait avoir une telle réduction du tarif de l’impôt des sociétés sur la valeur des entreprises belges ?
La Belgique s’inscrirait ainsi dans une tendance plus générale à l’échelle européenne, d’autant plus que notre pays exerce sur les entreprises une des pressions fiscales parmi les plus élevées au monde. Si cette mesure semble positive pour les entreprises, nous avons cherché à comprendre et quantifier son impact sur la valorisation des entreprises, en particulier celle des PME.
Quel impact sur la valorisation des grandes entreprises cotées ?
Si le taux nominal d’impôts des sociétés en Belgique est de 33,99%, le taux effectivement payé par nos entreprises est compris entre 24% et 27%, d’après une analyse réalisée par le cabinet KPMG. En effet, diverses mesures fiscales, notamment les intérêts notionnels, permettent de réduire sensiblement la pression fiscale.
Pour les entreprises du Bel 20, une rapide recherche confirme que ce taux moyen est de 23%, soit 26% après normalisation. Il convient en effet de tenir compte des sociétés immobilières réglementées bénéficiant d’un régime fiscal favorable, des entreprises en perte (fiscale), des holdings, etc. Notons par ailleurs que beaucoup d’entreprises du Bel 20 jouissent d’une présence internationale et paient par conséquent des impôts dans des pays ayant des taux différents de ceux que nous connaissons.
Si l’on se base sur les données d’entreprises cotées, la réduction du taux à 20% serait donc en réalité une baisse de l’impôt effectif de 26% à 20%. Toutes choses étant égales par ailleurs, les résultats nets après impôts des entreprises belges devraient augmenter de 8,11% en cas d’instauration d’une telle réforme fiscale.
Cela signifie-t-il que nos entreprises vaudraient, du jour au lendemain, 8,11% de plus ? La réalité est en fait un peu plus complexe. La valorisation d’une société repose sur le cash dont elle dispose ainsi que sur sa capacité à générer des flux de cash dans le futur. Les résultats nets ne reflètent que la réalité comptable de l’entreprise et non pas la réalité financière à laquelle elle est confrontée.
Selon le factsheet trimestriel publié par Euronext, le ratio Price-to-Earnings des entreprises du Bel 20 au cours des 12 derniers mois se situe à 38,03 (en ce compris les entreprises en perte) tandis que le ratio Price-to-Cash Flows s’élève à 6,55. Ceci prouve bien que les résultats nets après impôts ne recouvrent qu’une partie de la valeur d’une société. Si l’on divise le ratio Price-to-Cash Flows par le ratio Price-to-Earnings du Bel 20, l’on comprend que les résultats nets après impôts ne représentent finalement que 17,22% de l’ensemble du cash-flow d’une entreprise. Or, il s’agit de cette seule partie qui subirait l’impact de la mesure gouvernementale. Par conséquent, l’accroissement de valeur que connaitraient les entreprises devrait théoriquement être de 8,11% x 17,22% = 1,40%.
Ce pourcentage est, bien entendu, une mesure moyenne pour les entreprises du Bel 20 et se fonde sur un raisonnement théorique. Il est clair que chaque entreprise, en fonction de ses paramètres propres, profiterait différemment du régime fiscal réformé.
Quel impact sur la valorisation des PME ?
Même si les PME possèdent un taux de déduction pour intérêts notionnels majoré, ces dernières ne disposent pas d’une armée de fiscalistes comme les plus grandes entreprises. Ceci résulte, selon nous, en des pressions fiscales effectives assez comparables entre petites et grandes entreprises. C’est en tout cas ce que nous constatons chez nos clients, et qui est confirmé par l’analyse réalisée récemment par le cabinet KPMG.
Par ailleurs, nous ne pouvons rejeter catégoriquement l’hypothèse que la fraction des résultats nets après impôts dans le cash-flow d’une PME soit sensiblement différente d’une entreprise du Bel 20.
Par conséquent, nous pensons que les PME belges devraient profiter de cette mesure autant que les entreprises de plus grande taille.
Baisse de l’impact des notionnels dans le temps
Toutefois, il convient de noter que la déduction offerte pour intérêts notionnels est liée à la courbe des taux d’intérêts et, par la force des choses, s’amenuise d’année en année. Le taux de déduction pour 2017 devrait être de 0,237% alors qu’il était encore de 2,63% en 2014. Ceci implique que la pression fiscale devrait légèrement augmenter en 2017 et qu’une éventuelle réduction d’impôts aurait ainsi un impact plus important.
A titre purement informatif, si la baisse de taux d’imposition effectif passait de 30% à 20%, l’augmentation de valeur des actions s’élèverait à 2,46%.
Conclusion :
Réduire le taux d’impôts des sociétés aurait un impact certain et positif sur les valorisations des entreprises. Il convient toutefois de nuancer cet effet car les valorisations reposent sur le cash disponible et non pas simplement sur les résultats nets après impôts. Cet impact doit également être apprécié en fonction de la pression fiscale actuelle qui, en raison de la réduction des intérêts notionnels, augmente légèrement.